dimanche 14 août 2005
Sarno : fête de la Vierge
Nous nous sommes réveillés tard ce dimanche : besoin de récupérer du voyage, et de nos bavardages tardifs... qui se sont poursuivis dans la journée. Est-ce les italiens qui sont bavards, ou les mères de tous les pays ? Toujours est-il que nous ne sommes sortis qu'en fin de journée dans Sarno illuminée.
C'est l'heure de la procession. Je n'ai jamais rien vu de pareil en France, et je doute que ça existe encore, même dans les bourgades de campagne... Instantanément, c'est toute l'Italie de Fellini qui me saute au visage, cet étonnant et succulent mélange de traditions religieuses un peu ringardes, mâtinées d'une modernité caricaturale, et cette vie bruyante, musiques et paroles tonitruantes mêlées, relevées pour l'occasion du bruit des pétards, des feux d'artifice et des fanfares. Dans les rues décorées de guirlandes lumineuses, c'est comme si on célébrait en même temps Noël et le 14 juillet...
Voitures et scooters (les fameuses "Vespa") se taillent un passage on ne sait comment au milieu des piétons, dans des rues déjà étroites et encombrées de véhicules mal stationnés.
Tout Sarno est dehors, sauf les habitants des immeubles situés sur le parcours de la procession, qui ont tendu des draps blancs, broderies et dentelles aux balcons, et jettent des pétales de roses au passage du cortège. En tête, une femme psalmodie dans un micro en égrenant un rosaire. Derrière elle, les enfants de coeur portent la croix... et les haut-parleurs qui amplifient sa voix, la rendant audible sur plusieurs rues à la ronde, en dépit du vacarme ambiant. Et puis vient la fanfare, précédée de l'image de la Vierge, gigantesque ex-voto au décor baroque comme un portail d'église, face avant illuminée, et porté comme une chaise à porteur par quatre costauds régulièrement relayés. Les badauds suivent en désordre, tandis que la police municipale tente de régler la circulation, barrant les rues aux automobiles au fur et à mesure.
Toutes les églises sont ouvertes, comme des fenêtres de lumière bleue et or au milieu de la nuit, et le cortège s'arrête devant chacune, avec toujours le même cérémonial : prière parlée, puis morceau joué par la fanfare, explosion enfin d'un feu d'artifice tiré à même la rue, qui disperse la foule avant que la procession ne se remette en marche...
Plus loin, sur une place toute dorée par les ampoules décoratives, la musique jazzy d'un orchestre de rue se mélange avec les chants religieux qui s'échappent de l'église...
Nous nous sommes séparés du flot pour grimper les escaliers et les ruelles escarpées du village, adossé à la falaise. Des terrasses, on embrasse l'agglomération toute entière, succession ininterrompue de villages collés les uns contre les autres, cheminement lumineux des rues, arrêté seulement par les montagnes suivantes, et le Vésuve en fond de décor, masse sombre et majestueuse noyée dans la nuit. Ici, l'air est plus frais, et en même temps que de la touffeur des rues, nous sommes délivrés de ses clameurs, qui nous arrivent désormais comme étouffées, au gré du vent qui les emporte plus ou moins loin. J'aime ce calme, et ce paysage scintillant sous mes pieds. Sur une place, un manège tourbillonne, embrasant sa grande roue d'une étoile rouge et or à intervalle régulier, et déclenchant des cris à chaque changement d'allure ou d'axe de rotation. Juste au dessus de nous, le campanile d'une église dont Dino me raconte qu'il leur servait de cible depuis les balcons de l'immeuble brun qu'on voit en contrebas. Dino a fait le diable à quatre dans toutes les ruelles de cette ville, ne laissant de côté aucune des bêtises que peuvent entreprendre une bande de jeunes chenapans après les cours... ou pendant qu'ils les sèchent, tandis que leurs parents les croient sagement sur les bancs du collège.
Nous traversons un tunnel piéton savamment illuminé qui passe sous le fameux campanile, et sommes cueillis à la sortie par un feu d'artifice qui s'échappe dans la nuit au dessus des immeubles.
Pour finir la balade, nous entrons dans le parc de la belle maison bourgeoise où la grand-mère de Dino habitait autrefois, quand il était petit encore, et que ce parc, trois fois plus grand qu'aujourd'hui à l'époque, constituait son terrain de jeu. Ce soir, le jardin abrite une expo de peinture, où se mêlent créations originales, copies de tableaux célèbres, et vues de Sarno.
Et puis nous sommes rentrés, pour déguster d'excellents spaghetti alle vongole.
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